30 août 2008

Le vert et le noir

A quelques heures du derby Saint-Etienne / Lyon, on connaît déjà le nom de l'homme du match : Frédéric Piquionne. Après un détour malencontreux par l'Association Sportive de Monaco, l'ancien attaquant des Verts a été recruté par l'éternel rival lyonnais, ennemi supposé héréditaire. Voilà qui lui promet une chaude réception dans le Chaudron stéphanois de Geoffroy-Guichard, et pour une fois pas totalement imméritée, à l'heure où les footballeurs ont pourtant bien le doit de faire leur vie où bon leur semble. C'est que l'histoire vaut son pesant de rhum arrangé.

L'ASSE avait été chercher le Martiniquais, natif de Nouméa (il est fils de gendarme...), à Rennes, où il végétait passablement. Il explose alors sous le maillot vert, plante but sur but, on commence à parler de lui pour la sélection. Décembre 2006, à quelques jours justement d'un derby, le délicat Jean-Michel Aulas, président de l'OL, le contacte pour lui agiter son gros chéquier sous le nez. L'ASSE flaire un peu comme qui dirait une manœuvre grossière bien dans la manière du délicat Aulas, et fait savoir qu'il n'est pas question que Piquionne change de maillot, et surtout pas à ce moment, et surtout pas en faveur de Lyon, non mais des fois, faudrait voir tout de même à pas pousser.

Là-dessus, Piquionne se braque, pète un câble et se laisse aller à de surprenantes digressions sur les dirigeants stéphanois : "Ils m'ont pris pour un moins que rien, dit que je n'avais pas mon mot à dire, que j'étais sous contrat, alors que j'étais l'esclave du club. S'ils continuent à me traiter comme un esclave, je ne me laisserai pas faire. Je suis peut-être noir mais pas un esclave", propos tout en finesse reproduits dans le quotidien local La Tribune - Le Progrès en janvier 2007. Un esclave à 80 000 € mensuels à l'époque, tout de même. C'est à dire un peu mieux que 40 arpents et une mule pour solde de tout compte. A noter que malgré son immense peine, Piquionne n'a pas mis à exécution ses menaces d'arrêter le football pour rentrer en Martinique (où l'attendait sans doute un emploi de secrétaire particulier d'Aimé Césaire).

La récolte de la canne dans les colonies.

L'ASSE ne pouvant pas décemment accéder à un ultimatum si élégamment formulé, et un peu à cours de canne à sucre à couper dans le Forez, l'envoya soigner ses blessures infligées par ses chaînes dans la principauté de Monaco, célèbre terre d'asile pour opprimés. Objectif atteint pour l'OL : Saint-Etienne finit la saison privé d'un de ses meilleurs joueurs. Deux ans après, Aulas rachète l'esclave du football à Monaco à prix bradé. Chapeau l'artiste.

Ce genre d'affaire de trafic humain est trop grave pour que le gouvernement ne s'en saisisse pas. Je vais devoir mettre Bernard Laporte en rapport avec Rama Yade.

26 août 2008

Zapiro

Un petit coup d'œil de l'autre côté de la planète, pas au pays des kangourous, mais celui des springboks, de la nation arc-en-ciel, de la criminalité galopante, des prix Nobel de la paix à la louche, des mines d'or et de diamants, et des coureurs montés sur lames de carbone, vous avez reconnu, bien sûr, l'Afrique du Sud. Et c'est Zapiro qui se charge de dresser le tableau.


A tout juste cinquante ans, Zapiro s'est imposé comme le plus percutant des dessinateurs de presse sudafs, assez pour voir son travail repris internationalement en Angleterre, aux Etats-Unis et même en France (Courrier International). D'immigration européenne récente (je crois que ses parents sont nés en Lithuanie), Zapiro a traversé aux premières loges l'histoire récente de son pays : appelé sous les drapeaux à l'époque où l'armée fait la police dans les townships (sans parler de la guerre en Angola), il devient militant de la campagne anti-conscription, source principale de contestation des blancs. Il a le temps de goûter un peu de cachot avant de passer trois ans aux Etats-Unis à la Visual Scool of Arts de New-York où ses profs se nomment Spiegelman, Eisner ou Kurtzman.


Du coup, entre sa sensibilité personnelle et sa formation graphique, Zapiro développe un œil particulièrement acéré pour retranscrire en dessin tous les mouvements qui traversent la société sud-africaine. Sans compter un don naturel pour la caricature. A son retour au pays, on le retrouve bien vite tant dans le quotidien The Sowetan (presse "noire") que dans l'hebdo The Mail&Guardian (presse "libérale").


Tout au plus pourrait-on lui reprocher d'abuser un peu de l'artifice éculé car un peu faizantesque des personnages "étiquetés", genre le nom sur une mallette, ou un gros monstre saurien marqué "dette", etc... En attendant, son boulot donne un merveilleux aperçu de l'Afrique du Sud d'aujourd'hui.


Et pour finir, un dernier dessin en hommage à Don Martin, dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler ici-même.


Davantage encore sur son site officiel ou sur sa page du Mail&Guardian.

21 août 2008

La pouffe et le pantin

La fille de Monaco d'Anne Fontaine.

Eros et Thanatos sur fond de principauté. A Monaco pour un procès criminel, un avocat parisien de renom tombe raide dingue amoureux d'une jeune et exubérante présentatrice de météo de mœurs légères et aux jupettes flashy ras la touffe. Le garde du corps de l'avocat veille au grain.

On est pas loin du triangle amoureux dans ce film écrit et réalisé avec pas mal de subtilité, et bien servi par ses interprètes, Fabrice Luchini, Roschdy Zem, et pour la première fois sur grand écran, Louise Bourgoin, la véritable et sculpturale miss météo de Canal. Surprise, elle se révèle une comédienne particulièrement convaincante et juste. On a aussi le plaisir de revoir Stéphane Audran, moins sculpturale que par le passé, légèrement retapée, mais bon. Et j'ajouterai Gilles Cohen, second couteau du cinéma français, dont la gueule pas possible gagnerait à être reconnue.

Anne Fontaine, à la ville compagne de Luchini, ne se contente pas d'une banale affaire de mœurs, ni d'une opposition de personnages antinomiques. Sous un emballage d'humour acide, elle aborde sans avoir l'air d'y toucher des thèmes plus profonds comme le désir, la sexualité, et le pouvoir qui y est associé. Dommage qu'elle ait un peu moins bien su conclure le film, en retombant sur le plan d'ouverture comme si une boucle avait été bouclée, alors que pas du tout.

Ça ne vaut peut-être pas une Palme d'or à Cannes, mais sans problème un Grand-prix de Monaco.

Crash-test :

20 août 2008

Le clochard de Beverly Hills

Hancock de Peter Berg.

Super-héros à la petite semaine. C'est typiquement le genre de film où tout ce qu'il y avait d'intéressant ou de drôle était dans la bande-annonce, ce qui laisse imaginer la vacuité du long-métrage. Hancock est un super héros déchu, ivrogne clochardisé, causant autant de dégâts qu'il redresse de torts. Mais voilà, il croise la route d'un spécialiste des relations publiques et de la gestion d'image qui va le prendre en main et le remettre sur le droit chemin. Tous les ingrédients pour faire un film drôle, parodique, avec une bonne charge de satire sociale.

Et là, c'est le drame. Au lieu d'exploiter toutes les bonnes pistes contenues dans le synopsis, le scénario s'embrouille à nous présenter une autre super-héroïne concurrente d'Hancock, avec qui il doit se battre pour s'accepter lui-même, et tout finit par rentrer dans l'ordre, l'amour triomphe. Exactement le genre de niaiseries qu'il fallait laisser aux films de super-héros qui se prennent au sérieux. Non seulement ça finit par nous raconter rien du tout, mais en plus ça le fait sans beaucoup d'humour et avec des effets spéciaux particulièrement indigents.

Will Smith qui coproduit tous ses films a visiblement super raté une super marche.

Crash-test :

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19 août 2008

Pour un monde meilleur

Jeux olympiques obligent, voilà deux fois cette semaine que cette histoire idiote parvient à mes oreilles, colportée de toute bonne foi par deux interlocuteurs différents : David Douillet s'est fait gauler en excès de vitesse à plus de 200 km/h au volant d'un Porsche Cayenne flambant neuf, et la carte grise du luxueux 4x4 était au nom de l'opération Pièces jaunes. L'histoire circule par bouche à oreille, et plus vite encore sur internet.

J'ai immédiatement haussé les épaules et dûment chapitré mes interlocuteurs inconséquents pour colporter sans réfléchir des rumeurs aussi imbéciles. Ça dépasse un peu le strict cadre de la légende urbaine, en attaquant une figure publique, et avec des relents de populisme assez déplaisants. Je suis encore sidéré de la puissance que recèle internet en la matière : l'outil de communication le plus perfectionné se met au service des manifestations les plus détestables de l'ignorance alliée à la bêtise. On en déduit qu'internet, que la technologie, ne sont par eux-mêmes porteurs d'aucune qualité ni bonne ni mauvaise, mais ne sont qu'un prolongement de l'esprit de leurs utilisateurs humains, bons ou mauvais. Je suis encore sidéré de continuer de recevoir périodiquement, transmis par d'honorables correspondants, des imels pour financer l'opération de chtis nenfants uruguayens, pour transférer les milliards de Bill Gates sur mon compte en banque, et autres âneries. Si quelqu'un a encore un doute, se renseigner ici.

Et je ne dis pas ça par indulgence pour les Pièces jaunes, par ailleurs fort mal gérées comme chacun sait, ni par tendresse pour le gros Douillet, que je ne porte guère dans mon cœur.

D'ailleurs, pendant qu'on y est, Douillet, on le voit beaucoup à la télé en ce moment. Il fait de la pub pour des gros brownies pourris de la marque Brossard, sponsor officiel de l'équipe de France olympique. Et ça ça me tue, que des sportifs prêtent leur image de supers gars en bonne santé à des spécialistes de la malbouffe. Il a des fins de mois difficiles, Douillet ? Ou il a juste pas de conscience, comme Thierry Henry pour Pepsi ou en son temps Fabien Barthez pour McDo ?

S'il a besoin de pognon, il peut toujours revendre le Cayenne. Celui des Pièces jaunes.

17 août 2008

La ruée vers l'or

Qu'est-ce que c'est que ces gens qui ne sont même plus fichus de compter jusqu'à dix secondes ? Le Jamaïcain Usain Bolt a remporté la finale du 100 mètres olympique, pulvérisant au passage son propre record du monde en 9'69", avec quelques belles longueurs d'avance sur ses plus proches poursuivants. Fallait entendre les commentaires égosillés des journalistes qui en avalaient leur micro, jamais un homme n'avait couru aussi vite, nom d'un petit mandarin ! Et encore, à 30 mètres de l'arrivée, fin sûr d'avoir gagné, le gars Usain avait déjà coupé le moteur, sorti les aérofreins, et brassait l'air à grands moulinets de bras en signe de liesse. Aurait-il continué à galoper encore un peu qu'il serait arrivé avant d'être parti. Exploit, prodige, prière de s'extasier.


Du coup on nous explique doctement, pour mieux faire passer la pilule, que les meilleurs spécialistes se sont ravisés et estimeraient les limites du corps humain repoussées à un possible 9'50" pour 100 mètres. Mais bien sûr.

Après ces torrents de dithyrambes, après cette célébration des héros servie orgiaquement à des milliards de téléspectateurs, je me demande surtout combien de temps il faudra pour qu'on nous révèle que ces messieurs étaient chargés à bloc. Quelques jours comme pour Ben Johnson ? Quelques années comme pour Marion Jones ?

Achille des temps modernes, Usain Bolt paiera-t-il sa gloire éphémère d'une mort prématurée et mystérieuse comme celle de Florence Griffith-Joyner ? N'y aura-t-il plus alors que quelques chiens pour suivre son convoi funèbre ? Je vois le mal partout.

16 août 2008

L'hère de rien

Versailles de Pierre Schoeller.

Cinéma socio-lacrymal. Un pauvre môme SDF abandonné par sa mère SDF est recueilli par un pauvre SDF qui campe à la fraîche dans le parc du château de Versailles et qui l'abandonne à son tour après l'avoir reconnu. C'est les Misérables de Zola !

On en conclut que la vie de SDF n'est décidément pas drôle tous les jours, et c'est pour arriver à ce constat d'une navrante banalité que Pierre Schoeller nous inflige cette indigeste litanie de plans interminables dans lesquels il ne se passe strictement rien, seulement entrelardés de gros plans sur les grands yeux écarquillés du gamin, censés arracher des larmes aux blogueurs pères de famille les plus endurcis. Oui mais voilà, la ficelle est trop grosse. Et les meilleures intentions du scénariste sont systématiquement minées par le prétentieux hiératisme du réalisateur. Dois-je préciser qu'il s'agit de la même personne ?

Sans aller chercher jusqu'aux Lumières de la ville de Chaplin, ce qui serait indécent, on peut quand même se souvenir d'Une époque formidable de Jugnot qui traitait ce sujet délicat des SDF avec davantage d'à propos, et en plus avec le sourire. Mais comme dirait Guillaume Depardieu, qui à ma grande surprise joue ici un peu comme une savate, ça nous fait une belle jambe.

Crash-test :

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14 août 2008

Because the Knight

The Dark Knight de Christopher Nolan.

Film de cape et d'épais. Bruce Wayne aka Batman n'en peut plus de se faire pourrir la vie par ces crétins de citoyens de Gotham, et refilerait bien le boulot au fringant tout nouveau procureur incorruptible qui lui a piqué sa gonzesse. Mais à force de vilaines vilénies le Joker va finir par retourner l'incorruptible procureur qui a piqué la gonzesse de Batman, et lui arranger la face à sa manière. Batman doit retourner au charbon. Réflexions à deux balles sur les limites du bien et du mal, modèles de mobylettes inédits, sauts de l'ange, récupération in-extrémis de gonzesse défenestrée, pliages de voitures, mythologie de pacotille. Pour super amateurs du genre super héros.

Et je n'en suis pas. Je suis allé voir ça en espérant être surpris. Agréablement de préférence. C'est raté. Les super héros m'emmerdent un peu déjà sur papier, il s'avère que ça ne s'arrange guère sur pellicule. Le scénario est trop touffu, même pour les deux heures et demie de film. On dirait un peu ma femme essayant de faire tenir le contenu de son armoire dans une petite valise pour partir en voyage. On sait plus si le film est l'histoire de Bruce Wayne/Batman ou du policier Gordon, ou du procureur Harvey Dent ou du méchant Joker. Difficile de distinguer une morale, et pour une fois je ne suis pas sûr que ce soit une qualité. Côté réalisation, les scènes d'action sont réglementairement spectaculaires, mais on pourrait les transposer telles quelles dans n'importe quel film de Vin Diesel ou un James Bond, et les scènes à prétention psychologique sont trop archétypiques pour emporter l'adhésion.

Sauvons l'interprétation avec Christian Bale en Batman glacial et sophistiqué. Gary Oldman en policier matois. Et le malheureux Heath Ledger dont l'étonnnante composition du Joker sera la dernière apparition à l'écran. L'ami des moutons est mort cette année d'une overdose de médicaments ressemblant comme deux gouttes de bourbon à un suicide. Et on sait désormais pourquoi Michael Caine n'était pas dans Braquage à l'anglaise : il était trop occupé à faire ici le valet de pied de Bruce tout-puissant (et d'ailleurs j'oubliais presque Morgan Freeman).

Crash-test :

11 août 2008

Grée à gré

Profitons de la touffeur de l'été pour tremper une petite madeleine dans notre thé Bois Chéri à la vanille additionné de cardamome. Parmi les illustrateurs de notre enfance, une place de choix revient à Alain Grée, sans doute un enfant caché de Mary Blair, dût-ce défriser certains lecteurs spécialistes de la spécialité et adversaires déclarés de la simplification graphique.

Illustrateur industrieux, Alain Grée a associé son nom à pas mal de travaux et de publications, mais son chef d'œuvre restera certainement la série éducative Achille et Bergamote, qu'il a poursuivie entre 1962 et 1983 dans la collection Cadet-Rama chez Casterman. Grâce à lui, les petits garçons (et les petites filles), nés par exemple en 1966, ont pu tout apprendre sur la ville, les automobiles, les océans, les navires, la télévision, l'espace, etc... La série perdit un peu de sa force vers la fin quand l'éditeur trouva malin d'insérer de plus en plus de photographies dans la maquette des pages. Le côté didactique l'emporta alors tristement sur la poésie des dessins. Et j'imagine très bien la couleuvre à avaler pour le malheureux Alain Grée : "Ecoute, coco, tes dessins sont supers, mais alors vraiment supers, mais on va mettre des photos à la place." Contresens d'autant plus idiot que les descriptions perdaient en clarté ce qu'elles gagnaient en réalisme.


Pour parler de son style, j'ai mentionné Mary Blair, et c'est vrai qu'il en a la fraîcheur, la limpidité, et sans doute un peu aussi l'éclatante palette. Un peu davantage de raideur par contre, tout droit sortie des années 60, épousant à merveille le design de nos cuisines en formica sur les tables desquelles on feuilletait ces livres à l'heure du goûter.


Davantage d'informations et d'illustrations sur son site officiel curieusement en anglais ou japonais.

10 août 2008

Les chums préfèrent les blondes

Les 3 p'tits cochons de Patrick Huard.

Conte québécois pour adultes. Trois frères se retrouvent autour de leur mère mourante. Bilan. Crise de la quarantaine. La vie, l'amour, la mort, tromperies, coucheries, amantes dans le placard, portes qui claquent. Rien de bien nouveau. Et au total, beaucoup de conformisme, si ce n'est même de moralisme, que masquent mal quelques scènes de sexe et pas mal de blasphème langagier à la sauce québécoise, ciboire de crisse ! A ce dernier détail près, le film pourrait presque recevoir la bénédiction de l'Office catholique des familles de l'évêché de Montréal. Bref, si c'était un film français, ce serait encore un de ces fameux films "drôles et tendres à la fois" qui finissent par me donner des haut-le-cœur. Et pas juste à cause du popcorn.

C'est la première réalisation de l'acteur Patrick Huard, et si il y a quelques bonnes idées de mise en scène, les mauvaises sont tout aussi nombreuses, sans compter des placements de caméra hasardeux, des maladresses visuelles, une photo un peu cheap, et surtout un montage un peu trop long.

Et curieusement le film est sauvé du naufrage par deux choses toutes bêtes, la première incluse dans la seconde : l'humour, parce qu'il y a quelques moments vraiment drôles, et surtout cette langue et cet accent québécois dont l'exotisme fait passer bien des niaiseries (à noter que la VO québécoise est partiellement sous-titrée en... français). Ainsi doit-il être possible de voir le film avec l'indulgence des cousins européens, en se laissant bercer par la simple musique de ces chums aux prises avec leurs blondes.

Crash-test :

9 août 2008

Du riz et des jeux

Alors voilà, c'est parti pour quinze jours de Jeux olympiques. Il fallait bien que ça finisse par arriver, depuis le temps qu'on nous rebat les oreilles avec la Chine ceci, la Chine celà. Et le Tibet. Et les droits de l'homme. Ben maintenant, je crois que c'est trop tard, hein, on va pas tout décommander.

Il faut donc avoir une pensée pour tous ceux qui du fond de leurs confortables rédactions parisiennes, ou pour d'autres même depuis le zinc du Balto, réclamaient à cor et à cris un boycott, ne se résolvant qu'à contrecœur à sacrifier sur l'autel de la vertu quatre ans de la vie d'athlètes dont la carrière au plus haut niveau est souvent brève. Les droits de l'homme certes. Et il n'y a rien à retirer au travail effectué par des organisations telles que Reporters sans frontières ou Amnesty International, qui remplissent parfaitement leur mission d'éveil des consciences et de rappel des faits. RSF est encore bien jeune, mais on entendait déjà la voix d'Amnesty en 1978 lors de la Coupe du monde de foot en Argentine, ou en 1980, lors des JO de Moscou.

Et justement, on peut être tenté d'observer le parallèle avec Moscou en 1980. Boycott de la plupart des nations occidentales, emboîtant le pas aux Etats-Unis, à l'exception notable de la France, d'ailleurs. Mais il ne s'agissait pas de protester contre la nature inhumaine et oppressive du régime soviétique, connue et dénoncée de longue date, mais de réagir à un fait bien précis : l'invasion de l'Afghanistan fin 1979. Malgré la répression particulièrement soignée du printemps dernier au Tibet et dans les provinces voisines, rien de très nouveau en vérité cette année en Chine, la situation, quoique déplorable, était bien connue depuis bien longtemps, notamment en 2001 lorsque le Comité international olympique a attribué les jeux à Pékin.

Et quand on pense droits de l'homme, on pense toujours laogai (version locale du goulag), dissidents, censure, contrôle politique, peine de mort, toutes choses évidemment choquantes pour tous démocrates, occidentaux ou autres. Mais curieusement, les mêmes, dans les rédactions, dans les bistrots, paraissent un peu moins moins choqués des conditions de travail, proches de d'esclavage, des millions de travailleurs, bien souvent des travailleuses, qui font tourner l'atelier du monde, dans ce paradis socialiste où les syndicats sont interdits. Une partie des bas coûts de nos produits de consommation courante est directement le fruit de cette dictature abhorrée qui piétine les droits de l'homme. Qui entend-on réclamer le boycott de H&M, Zara, Go Sport, Ikea, Mattel, Berchet, etc... ?

Evidemment, le pouvoir chinois en fait des tonnes, espérant profiter de cette vitrine inégalée pour toiser le reste du monde. Il fallait voir (je ne l'ai pas vraiment vue) cette cérémonie d'ouverture grandiose, tout à fait dans la tradition qui consiste à faire toujours plus et mieux que la fois d'avant. Et quand il s'agit de manifestations de masse, les Chinois, avec davantage de modernité que les désuets et fauchés Nord-Coréens, savent discipliner leurs troupes. C'est l'avantage de la dictature.

Même s'il est toujours permis de regretter ces jeux de Pékin, il faut reconnaître que ça avait de la gueule, cette luxueuse affirmation de puissance un peu en forme de doigt d'honneur. Et ça avait de la gueule ces 204 délégations sportives qui défilaient bêtement heureuses devant l'humanité rassemblée devant le téléviseur.

Je sais pas si les Russes et les Géorgiens se sont retrouvés à la buvette après, mais on sentait bien que s'étalaient là malgré eux des valeurs d'universalisme qui dépassent peut-être la courte vue des dirigeants chinois. La Chine n'est guère plus démocratique que ne l'étaient l'URSS en 1980, l'Allemagne de 1936. Même les Etats-Unis ségrégationnistes de 1904 à Saint-Louis ou 1932 à Los Angeles ne rentreraient pas dans les clous selon les normes actuelles. Les choses changent, elles changeront en Chine, ce n'est qu'affaire de temps. Et il est encore trop tôt pour dire si ces jeux auront été un bien ou un mal.

7 août 2008

La faculté d'écrire

Tout le monde connaît le plus beau pays du monde (l'Auvergne), tout le monde connaît le plus ancien métier du monde (ah, zut, là j'ai un trou, ça me reviendra), mais qui connaît le plus beau métier du monde ? Dresseur d'ours.

C'est donc avec humilité qu'une jeune médecin généraliste a dû constater que le métier qu'elle exerçait ne pouvait être que le deuxième plus beau métier du monde, Juste Après Dresseuse D'Ours. J-A-D-D-O : Jaddo, c'est le nom de son blog. Je mets les points sur les "i" pour les mal-comprenants, mais un mystère dissipé, ça soulage toujours, surtout quand il est capillotracté à ce point.

Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?
(Photo non contractuelle)


Et qu'est-ce qui me prend tout d'un coup, sans espoir de rétribution ni même d'abattement sur le prix de la consultation, de faire la pub d'un blog médical ? Ah ha ! Eh bien (roulements de tambours...) c'est qu'à la surprise générale (redoublement de roulements de tambours...) ce blog est super bien écrit, et que les bonnes lectures ne sont pas si courantes sur le net.

Et pour une fois, pas besoin d'être diplômé en pharmacie pour déchiffer ce qu'a écrit votre bon docteur, car miracle, tout est écrit à l'ordinateur ! Mais trêve de plaisanterie. Jaddo s'avère presque être un blog littéraire autant qu'un blog médical. Dans une langue toute simple et sans artifice, on y trouve une vision de la médecine de ville très réaliste, très drôle, doublée d'une introspection sans complaisance, qui laisse à penser que l'auteure incline davantage du côté de Martin Winckler et de sa Maladie de Sachs que du Knock de Jules Romains. Je serais éditeur, je signerais vite fait le prochain best-seller.

Pour finir, un coup d'œil par le trou de la serrure de la porte du cabinet :

- Et à part ça, tout va bien, vous n’avez rien à signaler ?

- Non non, tout va bien.

- Pas de problèmes pour uriner ?

- Non docteur, ça va très bien.

- Vous urinez normalement ?

- Oui oui, sans problème !

- Et les urines sont normales ?

- Oh bah oui…

- Et elles sont de quelle couleur ?

- Ah, bah rouge vif, rouge porto, ça dépend…

6 août 2008

Numéro complémentaire

The Number 73304-23-4153-6-96-8 de Thomas Ott.

Zep n'est pas le seul nom de la BD suisse, il faut aussi compter avec Thomas Ott, grand maître zurichois de l'horreur sur carte à gratter. Encore un gars qui ne rechigne pas à l'ouvrage, parce si ses livres se comptent sur les doigts des deux mains, c'est notamment qu'il doit passer un sacré bout de temps à s'échiner sur chaque bon Dieu de dessin.

Ses histoires, inexorablement muettes, souvent courtes, sont toujours un peu horribles : il ne peut pas s'empêcher de dénicher chez l'homme ce qu'il y a de plus vil, et même quand ça démarre mal, tout ne peut ensuite qu'empirer. Autant dire que sa vision assez noire fait bon ménage avec son graphisme de maniaque du clair-obscur.

J'avais eu le plaisir de croiser ce clone helvétique de Tom Waits lors d'un raout chez les Sudafs de Bitterkomix : un grand rocker placide, limite un peu timide, et pas fier pour deux sous, dont la seule coquetterie étaient ses chemises savamment brodées selon des motifs qu'il avait lui-même dessinés. L'affidavit ci-dessous atteste de ma bonne foi (les esprits sagaces auront reconnu une dédicace, pas une chemise).


Si j'ai acheté l'édition américaine, pour des raisons bassement financières, il semblerait que tous ses livres soient désormais co-édités par Fantagraphics aux Etats-Unis, l'Association en France, et Edition Moderne en Suisse.

Avec The Number, Ott donne un récit en longueur centré autour, je vous le donne en mille, d'un numéro, qui va rythmer les pages par ses apparitions graphiques tour à tour bénéfiques puis franchement calamiteuses, avec la mort en guise de ponctuation finale. Je ne sais s'il faut y voir de la facilité, ou au contraire une brillante construction, une apologie ou plutôt une critique ironique de la numérologie, mais en tout cas le livre est diablement efficace. Plusieurs lectures sont recommandées pour mieux apprécier les dessins.


Y a des jours comme ça où on regrette un peu d'avoir choisi un fond de page blanc pour son blog. Trop les boules.

4 août 2008

Mécomptes en banque

Braquage à l'anglaise de Roger Donaldson.

Casse d'épargne populaire. Mais qu'y a-t-il donc dans les coffres de cette succursale de la Lloyds Bank de Baker Street à Londres pour que les services secrets de sa majesté envoient une bande de demi-sels des faubourgs réaliser le casse du siècle ? Beaucoup d'or et d'argent, et quelques secrets embarrassants pour un caïd de Soho, un activiste de la cause noire, quelques députés polissons et, cerise sur le pudding, la monarchie elle-même... Les braqueurs sont pris dans un double jeu, qui devient vite triple, quadruple, et finissent par s'en sortir en jouant la carte de la police londonienne.

L'Australien Roger Donaldson, dont la filmographie ne s'inscrit pas en lettres de feu au firmament du cinéma, avait visiblement en vue de rendre efficace un scénario, brodé à partir d'un fait divers des années 70, qui aurait pu rapidement devenir aussi brumeux qu'un soir d'hiver sur la Tamise. Malgré sa mise en scène un peu plate, rendons lui ce crédit : aucun méandre du récit ne restant inexpliqué, le film remplit parfaitement sa fonction de divertissement, bien servi par ses acteurs dont Jason Statham qui ne fait rien mieux que le truand cockney.

Mais on aurait pu préférer un peu moins de précision dans l'intrigue, et peut-être un peu plus d'attention prêtée à l'atmosphère de cette Angleterre repue et pré-thatchérienne, empêtrée dans des scandales retentissants mêlant sexe, politique et espionnage.

Enfin et surtout, faire un film de braquage anglais sans Michael Caine, c'est une faute de goût absolue.

Crash-test :