15 mai 2010

Au nom du fils

La route de John Hillcoat.

Agonie apocalyptique. Dans un futur proche, dans les paysages désolés d'une Terre ravagée par on ne sait quel cataclysme, un père et son jeune fils s'efforcent tant bien que mal de survivre sur les ruines de notre civilisation, avec des fortunes diverses.

Que de regrets de ne pas avoir pu apprécier en salle ce grand spectacle paranoïaquement pessimiste, tout entier baigné dans la grisaille de décors insolites et grandioses mais aussi sombres et fétides, où la planète s'éteint tout doucement, l'humanité dégénère, toute nourriture ayant quasiment disparu, et où les personnages ne sont guère vaillants non plus. L'espoir, lui, est déjà mort, et chaque matin glacial, nos deux héros doivent se faire violence pour trouver une raison de survivre un jour encore.

Cette histoire un rien triste est due au best-seller du romancier Cormac McCarthy, qui fait assez brillamment un constat réjouissant quoique sans indulgence sur le futur un rien glauque qui nous pend un petit peu au nez. Sa mise en place sociale et environnementale, est d'une logique sans faille, avec nature en berne, suicides de masse et bandes de cannibales armés. Hillcoat en donne une mise en scène elle aussi très juste, glaçante, effrayante, transformant assez habilement les quelques flashbacks en rêves d'autant plus désespérants qu'ils sont agréables. Les deux interprètes Viggo Mortensen et le jeune Kodi Smit-McPhee font merveille dans cette tragédie sans échappatoire. Bref, voilà bien l'une des meilleures anticipations apocalyptiques qui aient jamais été tournées.

Et pourtant, en chipotant un peu, on peut trouver à redire à la psychologie de l'enfant, qui paraît un peu comme un gosse de riche projeté en plein conflit, hébété. D'une part il ne comprend rien à l'ancien monde qui fut celui de son père, d'autre part il ne semble pas mieux avoir intégré et compris tous les ressorts et les dangers de celui où il vit actuellement. Au fond, le régime de terreur imposé par le père, assez justifié au demeurant, étant donné le retour à l'état sauvage des rares survivants, découle de la culture de l'adulte et de ses souvenirs d'un monde meilleur. Mais l'adage voulant qu'on s'habitue à tout, même au pire, le gamin ayant grandi dans d'épouvantables conditions devrait les considérer davantage comme la norme au lieu de geindre en permanence et de tressauter à chaque bruissement. Il me semble qu'un gamin survivant et grandissant après l'apocalypse s'adapterait plus facilement que ça à de nouvelles conditions, aussi dures soient-elles, comme le font les enfants-soldats qu'on dresse si bien à la guerre dans de nombreux conflits actuels. Au minimum, il aurait dû faire preuve de cette maturité prématurée un peu terrifiante qu'on observe chez tous les gamins privés d'enfance.

Je n'ai pas lu le bouquin mais je compte bien m'empresser de le faire après avoir vu le film, et j'espère que la fin y est moins nunuche. A l'évidence, pour conserver toute sa noirceur, l'histoire devait se terminer avec la mort, parfaitement prévisible, du père, laissant le gamin seul au monde. Mais là non, miracle hollywoodien, le cadavre paternel n'est pas encore refroidi que, pouf ! coup de bol, le garçon croise aussi sec la route d'une famille super sympa avec des gosses et un chien qui l'emmène avec elle. On imagine qu'ils vont commander des pizzas et jouer sur leurs consoles vidéo.

Crash-test :

2 commentaires:

Glorb a dit…

Lis le bouquin ! Mais ne t'attends quand même pas à ta fin. Qui aurait été bien mieux en effet à la fin du film. Où sont passés les fins d'antan (qui a dit planète des singes ?) ?

Je te rejoins complètement sur la psychologie de l'enfant. Dans le livre il est plus jeune et n'a pas vraiment la parole. Et ils galèrent plus dans l'ensemble. Là dans le film c'est un peu la fête, on dort dans les camions au milieu de la route, etc. Mais bon j'imagine qu'à un moment ils ne pouvaient pas être aussi noirs que le livre. :D

Ca reste une très bonne adaptation. j'avais peur que le passage à l'écran torde le scénario pour le rendre audience-friendly, mais l'esprit du bouquin est gardé et l'univers est bien rendu.

Hobopok a dit…

Bon allez je le commande en english. J'espère que je vais pas me tirer une balle dans la tête après l'avoir lu.