12 mars 2012

Conrad Botes : l'interview

Notre rédaction est allée déranger chez lui au Cap Conrad Botes, le dessinateur sud-africain de La bande à Foster, et lui a extorqué ces quelques mots à propos de son livre, paru chez L'Association et retenu dans la sélection Polar pour le festival d'Angoulême 2012. Pour une meilleure compréhension de cet entretien, on se référera utilement à notre précédent article consacré à ce livre.


La bande à Foster
a-t-il été le premier long récit de BD sud-africaine paru en album ?

Non il y a avait eu au moins un précédent. Un grand éditeur en afrikaans avait cru qu’il y avait là un filon à exploiter, et avait publié une sorte de roman graphique, dont le titre m’échappe, qui parlait d’un genre de Van Gogh sud-africain, et qui fut un échec. Ça a refroidi les éditeurs. La différence avec
La bande à Foster, c’est que c’est de l’auto-publication de Bitterkomix, et nous ne cherchions pas le profit. On voulait que ce livre existe. Et il ne s’est pas si mal vendu pour une édition confidentielle. On en a tiré 2000 exemplaires, qui ont été épuisés en quelques années. Tous les retours de lecteurs que j’ai pu avoir ont toujours été très positifs. Il y a eu une critique, assez indulgente, dans le Mail & Guardian (NDLR : hebdomadaire libéral anglophone), et c’est à peu près tout.

Quel est le vrai sujet du livre, et que nous dit-il sur l’Afrique du Sud ?


Ça m’a toujours passionné de faire des recherches sur l’histoire sud-africaine, et de l’incorporer dans des récits en images. Quand on a travaillé sur cette histoire de Foster avec Ryk, le parallèle avec l’Afrique du Sud contemporaine nous est apparu évident. A l’époque où nous avons réalisé cette BD, au début des années 90, de nombreux Sud-Africains blancs se plaignaient de la hausse de la criminalité dont ils se voyaient comme les premières victimes. On a voulu explorer les origines de cette violence, pour établir un parallèle avec la violence contemporaine. C’est quelque chose qui échappe sans doute à la majorité des Blancs. La plupart estiment encore aujourd’hui, à tort, être les victimes d’une violence uniquement exercée par les Noirs envers les Blancs.


Comment as-tu choisi de traiter graphiquement cette histoire ?

Je voulais qu’on ressente les allers et retours d’un chapitre à l’autre entre 1914 et les années 90, tant sur le plan visuel qu’émotionnel. La principale différence graphique, même si le style de dessin reste quasi identique, c’est que j’ai fait des recherches de documentation assez fouillées, de costumes, d’uniformes de police, de véhicules, d’architecture, pour retrouver l’atmosphère de 1914, et trancher avec le style moderne de la partie contemporaine, du Jobourg d’aujourd’hui. Et surtout, j’ai repris telles quelles les coupures de journaux de 1914 en anglais qui relataient les événements de la chasse à l’homme lancée aux trousses de Foster, en opposition à mon lettrage manuscrit en afrikaans pour le dialogue moderne. J’ai un peu mixé les deux procédés pour la scène finale de l’hallali dans la grotte pour la rendre plus dramatique.


Ryk Hattingh a été le seul scénariste avec lequel tu as collaboré, je crois. Qu’est-il devenu depuis ?

C’est effectivement avec Ryk que j’ai fait mes seules expériences de collaboration à l’écriture. J’avais déjà adapté en bande dessinée deux de ses nouvelles, Le kabbaliste et Le fusil de mon père (NDT : dans Bitterkomix chez l’Association). Ryk a depuis déménagé en Nouvelle-Zélande avec femme et enfants, où il vit d’un commerce de serrurerie ! Mais il a, littérairement parlant, toujours un pied en Afrique du Sud, avec divers projets, dont un en français avec ma traductrice Catherine du Toit.

Qu’auras tu retiré de cette expérience, et crois-tu pouvoir la renouveler avec d’autres projets de bande dessinée grand format ?


C’était super de travailler à deux sur un projet de cette envergure, même s’il a pu y avoir des difficultés liées au fait que le scénariste avait davantage l’habitude du théâtre que de la bande dessinée. Aujourd’hui j’ai trop de projets personnels pour retenter pareille aventure. Je suis en train d’adapter en neuf pages une autre nouvelle de Ryk Hattingh pour le prochain Bitterkomix, et j’ai un nouvel album prévu en France chez Cornélius (NDLR : après Rats et chiens), mais ce sera une histoire sans paroles. C’est un défi très stimulant, et j’aime l’idée qu’un récit purement visuel parvienne à abolir les frontières linguistiques.

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