16 janvier 2013

Le barde des sceaux

Le Tampographe Sardon par Sardon.

Le Tampographe (admettons-lui la circonstance atténuante du nom propre qu'indique l'usage de la majuscule) doit être le fruit des amours impossibles d'un tamposcribe  et d'une sigillographe : un scandale étymologique sans équivalent depuis quadrichromie. Abstraction faite de ce néologisme un peu monstrueux, peut-être influencé par la pataphysique dont l'auteur se réclame non sans justification, il faut bien admettre qu'on tient ici entre les mains, sous cette somptueuse couverture, un des meilleurs ouvrages parus ces dernières années, toutes catégories confondues.

Les lecteurs de ces colonnes ne s'étonneront pas d'ailleurs d'en trouver ici mention, puisque le blog éponyme, tenu par le même auteur, est dûment référencé ci-contre parmi les lectures électroniques chaudement recommandées, et depuis belle lurette.


Ça a été le génie de Jean-Christophe Menu (ex-ponte de L'Association dont les vertus de gestionnaire lui ont valu d'en être évincé) d'avoir vu dans ces pages virtuelles la matière à glisser dans un sandwich de papier pour faire un livre pour de vrai. Sardon a obtempéré, et a fait le tri dans son matériau pour offrir ce florilège de la meilleure littérature imagée qu'il ait été donné de lire depuis longtemps. Car tout comme l'écrivain Vercors était un dessinateur égaré dans les lettres, le dessinateur Sardon est un littérateur qui s'ignore. On rit à gorge déployée au récit de ses misères quotidiennes, tissu d'obsessions malsaines, décrites avec une hargne d'autant plus amusante quand l'auteur la retourne impitoyablement contre lui-même, ce dont il ne se prive pas.


Sardon devrait être interné, s'il ne convertissait ses désopilants ratiocinages de maniaco-dépressif sous camisole chimique en créations compulsives et drôlatiques, condensés d'humour absurde, qui prennent essentiellement la forme de tampons en caoutchouc qu'il fait cuire lui-même dans une presse dont la pestilence manque de l'occire. Il y gagne ses galons de véritable humoriste, en proposant une vision du monde, quand bien même putride, hostile et dégénéré, qui est à se tordre de rire.

Sardon, oubliant momentanément la tampographie, est à son meilleur lorsqu'il écume en safari-photo les défilés du 1er mai, traquant les plus beaux colliers de barbe en guise de trophées. Hommage à la gauche éternelle à vomir.

Aucun commentaire: